Archives de catégorie : Culture

Qing Ming shang he tu

Le plus célèbre rouleau de peinture chinoise

« Qing Ming shang he tu  清明上河图»
« Scène riveraine par une journée de la période de Pure Lumière »de Zhang Zeduan
 (1085 – 1145) (dynastie Song du Nord)

Le rouleau mesure 25,5 cm de hauteur par 5,25 m de longueur.
Il a été peint sur soie à l’encre en 1126.
Dans l’histoire de la peinture chinoise
c’est la peinture qui a été la plus copiée
et celle qui a été la plus reproduite
dans les livres relatifs à la peinture chinoise
c’est dire son importance.

Sublimation des mille détails de la vie quotidienne
et préciosité infinie de l’exécution
caractérisent cette copie de grande qualité

La peinture se déploie en trois grandes séquences :

  • une scène campagnarde à proximité de la ville avec ses champs, ses animaux et des paysans tirant leurs ânes,
  • les berges de la rivière avec divers bateaux et un célèbre pont arc-en-ciel,
  • le centre de la ville enfin avec ses divers bâtiments et ses nombreuses activités socio-économiques.

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Une remarquable adaptation numérique animée
de ce tableau constituait la présentation la plus remarquée du Pavillon de la Chine à l’Exposition universelle 2010 de Shanghai

Ci-dessous, trois photos prises au Pavillon de la Chine par Alain Caporossi
Le tableau original mesure 25,5 cm de haut par 5,25 m de long
L’œuvre animée se développait sur 2.5 m de haut par 52,5 m de long

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Cette photo rend compte de la taille de l’œuvre

 kaifengLe pont de Kaifeng, capitale de l’époque Song du nord
la version numérique permet de suivre la manœuvre

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La version numérique permet également une vision nocturne du rouleau !

Photographies Alain Caporossi ©

Cinéma chinois

 

Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul

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www.cinemas-asie.com

Cette nouvelle édition du Festival présente une belle sélection

« Regard sur le cinéma chinois. 1959 – 2014 »

Nous vous invitons à consulter le catalogue et à faire vos choix !

Luisa Prudentino, spécialiste reconnue du cinéma chinois,

qui a donné à Besançon, le 8.01.2015, une conférence très appréciée

dans le cadre du cycle Chine organisé par l’AFC-AFC et

l’Université Ouverte écrit à ce propos :

« Une alléchante sélection. Riche et dense.

De quoi paraphraser le beau film de Youssef Chahine et dire, en plongeant dans son fauteuil : « silence, on regarde !. »

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« Le Totem du loup » 

un chef-d’œuvre enfin mis à l’écran par  Jean-Jacques Annaud

Extraits d’un texte de présentation de la sinologue Lisa Carducci

Cet ouvrage vient d’être publié en France par les soins de Books Editions (23 €)

« Le Totem du loup », est le plus grand best-seller chinois,

traduit depuis dix ans en plus de 35 langues et vendu à 20 millions d’exemplaires.

« Le grand réalisateur français, spécialiste des films d’animaux, n’avait pas lu 40 pages qu’il répondait à l’invitation de la Chine : « Je ferai ce film », un défi qui effrayait tous les autres cinéastes. De plus, Jean-Jacques Annaud a choisi d’utiliser de vrais loups pour le tournage plutôt que des reproductions réalisées en 3D par ordinateur.

Après huit ans de travail, des centaines de collaborateurs, l’élevage d’une vingtaine de loups pendant trois ans et le plus gros budget jamais vu dans le cinéma chinois, le film sortira dans les salles en France le 25 février, sous le titre « Le Dernier Loup » et en Chine le 19 février, sous le titre original du roman.

Mais qu’on classe ce film dans la catégorie « films d’aventure », c’est là une grave erreur à mon avis. Banni de Chine en 1997 pour son film Sept ans au Tibet, Jean-Jacques Annaud a fait du chemin depuis pour acquérir une juste connaissance de la Chine. Cette histoire chinoise, tournée dans la région autonome de Mongolie intérieure, est celle de la modernité qui surgit trop rapidement et aux dépens de l’environnement dans les steppes mongoles. Avant l’arrivée des Han, tout allait bien : l’équilibre existait entre les loups et les hommes, entre les animaux nuisibles comme la marmotte et la gazelle qui détruisent les récoltes et les loups qui se nourrissent de leur chair. Sous une forme ou une autre, nous nous retrouvons tous dans cette situation, hommes et femmes, de quelque pays que nous soyons.

 En tant que co-traductrice du roman en français, j’ai assisté à une présentation privée de l’œuvre de J-J Annaud, et je suis émerveillée de l’intelligence du réalisateur, de son habileté à saisir l’important, à condenser deux ou trois scènes en une, et à rendre honnêtement l’essence du roman….


Interview accordée à l’Est Républicain du 1er février 2015

par Jean-Jacques Annaud (courts extraits)

Pourquoi ce premier film chinois d’un Français en Chine ?

« Le Dernier loup » est d’abord mon film ! Je l’ai fait en Chine avec des Chinois, mais c’est mon cinéma ! J’ai bénéficié d’une totale et absolue liberté…

Quelle est la carrière de votre cinéma en Chine ?

Mes films comme « La guerre du feu » « Le Nom de la rose » « L’Ours » « Deux frères », sont au programme dans les écoles de cinéma et d’art dramatique ainsi que dans certaines universités. Je n’avais aucune idée d’un tel public vaste et assidu…

Quel est l’état du cinéma chinois ?

Quand j’ai commencé à travailler sur « Le Dernier loup », le pays comptait 2.000 salles. Il en compte aujourd’hui 25.000. La Chine pourrait monter jusqu’à 60.000 salles. Il s’en ouvre une vingtaine chaque jour.

Sortie en salles le 25 février (1H 58.)

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Shanghai offre 500 livres à la Bibliothèque Universitaire de Besançon

En 2014, année du cinquantième anniversaire de l’établissement de relations diplomatiques entre la France et la Chine, de nombreuses manifestations ont été organisées par les associations de la Fédération des Associations Franco-Chinoises (FAFC.)

L’Association du Peuple de Shanghai pour l’Amitié avec les pays Etrangers (APSAE,) partenaire de longue date de la FAFC, a apprécié ces actions et notamment le fait qu’un cycle de 15 conférences ait été organisé par notre association, en coopération avec l’Université Ouverte de Besançon, en 2013- 2014 ; cycle prolongé en 2014 – 2015 par 12 nouvelles conférences destinées à mieux faire connaître la Chine, son histoire, sa culture, son peuple, ses projets….

Shanghai a également apprécié le fait qu’une série d’expositions ait été présentée, début 2014, à la Bibliothèque Universitaire Proudhon (BU) comportant notamment celle prestigieuse réalisée par la Franc-Comtoise Marylise Hebrard, Directrice du Centre sino-français de Formation et d’échanges Notariaux et juridiques de Shanghai, relative à la comparaison des systèmes français et chinois en la matière.

En mai 2014, la Municipalité de Shanghai, en coopération avec le Consulat général de France a organisé un colloque relatif à ce 50ème anniversaire. Dans ce cadre l’APSAE a demandé à Alain Caporossi de prononcer une allocution accompagnée de la projection d’un diaporama constitué de quelques-unes de ses photos relatives à l’évolution des paysages urbains de cette mégapole au cours des 30 dernières années et lui a ensuite demandé d’organiser en 2015 une exposition plus fournie de photos sur ce thème.

La Municipalité de Shanghai et son APSAE ont par ailleurs décidé d’offrir à une bibliothèque de Besançon un lot de 500 ouvrages à choisir parmi une liste de 2000 livres. Ce lot est maintenant installé à la BU Proudhon. Il est essentiellement constitué de livres bilingues (français – chinois et anglais – chinois) mais aussi de livres en français ou en chinois que la BU a classés en une trentaine de catégories : paysages, histoire, langue, dictionnaires, grammaire, compréhension, religion, philosophie, société, politique, économie, éducation, sociologie, culture, cuisine, santé, médecine, traditions, acupuncture, plantes, sciences & nature, arts, antiquités, calligraphie, architecture, peinture, photographies, musique, littérature, divers.

Du 2 au 4 décembre 2014, une délégation de 5 personnalités de Shanghai, conduite par M. Zhou Yajun, Président exécutif de l’APCAE, a consacré une de ses trois journées de séjour en France pour une visite à Besançon. Elle a ainsi participé à une cérémonie organisée par l’Université de Franche-Conté en remerciement de la donation des ouvrages offerts par Shanghai à la BU Proudhon.

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La BU accueille M. Zhou Yajun

Cette délégation a également effectué une visite du centre historique de Besançon et plus particulièrement de la Maison natale de Victor Hugo.

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Rappelons que ce grand homme est très respecté en Chine pour l’ensemble de son œuvre littéraire mais également pour sa fameuse « Lettre au capitaine britannique Butler » en protestation indignée contre la destruction de l’ancien Palais d’été de Pékin par une expédition militaire anglo-française.
Rappelons également que Besançon a offert à l’Académie du Théâtre de Shanghai un buste en bronze de Victor Hugo en 2010

Article Paru dans l’Est Républicain le 4.12.2014.

 

Edgar Faure et la Chine

Télécharger le document 01 Edgar Faure et la Chine. A. Caporossi

Le 27 janvier 2014 marque le cinquantième anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la France et la Chine.
Ce document, présenté par L’Association Franc-Comtoise des Amitiés Franco-Chinoises, est relatif à ce moment particulier qui a scellé les relations entre les deux pays. Il montre le rôle primordial joué, à cette occasion, par le Président Edgar Faure.
Edgar Faure a notamment été député, Ministre, Président du Conseil (IVe République), premier Président du Conseil régional de Franche-Comté.
L’Association des Amitiés Franco-Chinoises (AAFC) a été fondée en 1954. Un de ses objectifs fondamentaux était d’œuvrer en vue de l’établissement de relations diplomatiques entre la France et la Chine. A l’époque, l’AAFC était une association nationale constituée de Comités locaux.
En 1992, l’actuelle Fédération des Associations franco-chinoises (FAFC) lui succède.
L’AAFC éditait la revue trimestrielle « Aujourd’hui la Chine. » Le numéro 37 d’avril 1984 a publié cet entretien exclusif avec le Président Edgar Faure.

Rencontre avec Edgar Faure

Il y a vingt ans, le Général de Gaulle renouait avec la République Populaire de Chine après avoir chargé le Président Edgar Faure d’étudier avec les autorités chinoises les modalités d’une normalisation. Dans le cadre des manifestations destinées à célébrer cet anniversaire, la rédaction d’Aujourd’hui la Chine a recueilli les souvenirs du Président Edgar Faure. L’interview a été réalisée par Michel Cartier et Isabelle du Breuil.

A.L.C. – On fête cette année le vingtième anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la France et la République Populaire de Chine. Vous avez joué un rôle primordial dans cette reconnaissance. Pourriez-vous rappeler aux lecteurs d’Aujourd’hi la Chine dans quelles circonstances le Général de Gaulle vous a chargé de cette délicate mission ?

Edgar Faure. – J’ai été le premier homme d’Etat occidental à être invité en Chine Populaire. J’ai été invité en 1955 et je m’y suis rendu en 1957. Cette invitation était due, je crois à plusieurs circonstances. D’une part, en général, ma réputation d’ouverture d’esprit et de libéralisme ainsi que de lucidité en politique internationale. C’est un fait qu’au cours d’un discours prononcé au Sénat en tant que Président du Conseil, j’avais indiqué qu’il n’était pas réaliste de croire que la Chine se trouvait située à Taipeh et qu’il faudrait bien revoir cette question. J’avais également eu l’occasion de faire un premier geste en rétablissant les relations de presse entre les deux pays par l’échange de représentants des agences. J’avais également reçu à Matignon un groupe de jeunes Chinois qui visitaient la France et dont on m’avait informé de la venue. J’ai tenu à les inviter et à leur dire quelques mots. Mao Zedong avait été très sensible et me l’a rappelé l’année suivante. J’ai donc été invité ; je me suis rendu en Chine en 1957 et j’ai fait un assez long voyage d’environ six semaines. J’ai retracé mes impressions dans des articles parus notamment dans Le Figaro, dans mon livre « Le Serpent et la Tortue » et dans un livre de ma femme Lucie qui s’appelle « Journal d’un voyage en Chine. » Dans mon livre « Le Serpent et la Tortue, » (voir des extraits en page 4) j’avais préconisé le rétablissement des relations diplomatiques et j’avais étudié la question en indiquant qu’on pourrait laisser un consulat à Formose. Le Général de Gaulle m’a écrit pour me faire savoir qu’il était très intéressé mais que dans l’état de désagrégation de l’Etat français il n’y avait pas grand-chose à faire pour l’instant. Par la suite, le Général de Gaulle m’a fait venir, en 1961, pour me demander ce que je pensais du problème mais, après une conversation, il nous est apparu qu’il était prématuré de faire une reconnaissance directe car la France était alors engagée dans la guerre d’Algérie et elle pouvait redouter que la Chine ne reconnaisse la Front de Libération. J’avais préconisé au Général de Gaulle de pousser dans un certain sens les relations économiques et culturelles, mais finalement cela n’a pas été suivi d’effet et nous sommes ainsi parvenus en 1963.

UNE CONJONCTURE NOUVELLE

En 1963, j’étais préoccupé de la situation mondiale et j’avais fait le projet de faire moi-même un voyage en Chine. Je me suis rendu à Berne où j’ai vu l’ambassadeur de Chine qui m’a ensuite transmis une invitation officielle de son gouvernement. Entre-temps, le Général de Gaulle m’avait fait demander de venir le voir. Il était très inquiet de la situation en Extrême-Orient et avait fait, le 11 ou 12 août 1963, une déclaration qui avait surpris au sujet de ces problèmes.

Quand je suis allé le voir, il m’a reçu en privé et m’a demandé ce que j’en pensais, s’il n’y avait pas quelque chose à faire vis-à-vis de la Chine. Je lui ai dit, autant j’étais négatif il y a deux ans, autant la situation me semblait favorable aujourd’hui car les Chinois sont en difficulté avec les Russes, ce qui leur fera apprécier davantage un geste de notre part. Avec les américains, nous avons déjà acquis un gros contentieux, alors un peu plus ou un peu moins n’y change rien ; et surtout, nous sommes délivrés de l’affaire d’Algérie. Alors, il m’a dit : voulez-vous y aller de ma part ? Je lui ai répondu : oui, mais que j’avais déjà préparé ce voyage, par coïncidence. Il a donc été convenu que ce voyage deviendrait un voyage officiel de ma part, officiel mais non public. Cela se passait à l’automne 1963. J’ai donc vu l’ambassadeur à nouveau. Je lui ai expliqué que je venais comme représentant personnel du Général de Gaulle, mais non publiquement. Et le Général m’a donné une lettre pour m’accréditer auprès des dirigeants chinois, mais cette lettre était adressée à moi et non pas à eux étant donné l’absence de relations.

DESORIENTER LES INDISCRETS

Je me suis donc rendu de nouveau en Chine, accompagné de ma femme Lucie ; j’y ai passé quinze jours. Je me suis arrêté, à l’aller au Cambodge et, au retour en Inde, de façon à faire un voyage complet et en même temps désorienter les indiscrets. J’avais fixé la durée de mon voyage de façon très stricte, de manière à éviter de me perdre dans des négociations indéfinies. Je suis parti à la date que j’avais prévue et je suis resté en tout quinze jours, dont trois ou quatre jours en voyage organisé par le gouvernement chinois, en réalité pour pouvoir réfléchir, adopter une attitude. D’ailleurs, j’étais avec un diplomate avec qui nous étudiions les problèmes et qui en référait chaque jour à Pékin. Le fait est que les Chinois étaient tout à fait désireux de rétablir leurs relations avec la France ; le seul point de difficulté était un problème juridique relatif à la situation de Formose. Ce problème paraissait insoluble pour les diplomates, mais il ne l’était pas pour des juristes et je me suis refusé à déclarer aux Chinois que nous romprions nos relations avec Formose. Mais je leur ai rappelé avec insistance que nous appliquerions le droit international. Alors, ils m’ont fait dire longuement ce que signifiait le droit international. La situation était très simple, à condition d’être vue par une personne compétente en droit. Nous n’avions jamais rompu nos relations avec la Chine. Nous avions un chargé d’affaires qui se trouvait géographiquement à Formose, mais ce chargé d’affaires était ce qu’on appelle un chargé d’affaires ad interim, c’est-à-dire un remplaçant de l’ambassadeur. Dès l’instant que nous nommions un ambassadeur, il n’y avait plus de chargé d’affaires. Il suffisait donc de nommer un ambassadeur à Pékin pour que le chargé d’affaires à Formose disparaisse. La question s’est alors posée de savoir ce qui se passerait si Formose demandait à être reconnue en tant que Formose. Alors là, nous ne nous sommes pas mis d’accord parce que je pensais que le Général de Gaulle ne voudrait pas refuser, mais Zhou Enlai m’a dit : En somme, on n’est pas d’accord là-dessus ? Non. Eh bien, on n’a qu’à ne pas en parler. Il ne se produira rien. En effet, Chiang Kaishek voulait être considéré non pas comme Formose mais comme la Chine. Donc, il n’y avait pas de difficulté puisqu’il n’y avait qu’une Chine. Nous avons fini par nous mettre d’accord et nous avons étudié deux modèles. Le premier était la reconnaissance politique réciproque et totale ; le second c’était l’amélioration et le développement des relations économiques et culturelles. Dans ce cas, les Chinois demandaient un traitement particulier qui aurait comporté le drapeau et le chiffre. Et finalement, puisque je travaillais moi aussi ad referendum, nous n’avons proposé qu’une seule solution pour que ce soit plus clair. Nous avons donc établi un protocole entre Zhou Enlai et moi-même, en tant que représentant du Général de Gaulle, mais ad referendum, où nous avons prévu la reconnaissance et le rétablissement des relations diplomatiques entre la France et la Chine.

LA RECONNAISSANCE DIPLOMATIQUE

Je suis ensuite parti de Chine par Kunming. Je me suis rendu de là en Birmanie où j’ai mis mes notes au point. De Birmanie, j’ai gagné New Delhi d’où j’ai envoyé un attaché d’ambassade porteur de mon dossier pour le Président de la République. Le Général de Gaulle a donc étudié la question pendant les quinze jours que j’ai passés en Inde. Je suis revenu à Paris : j’ai revu le Général de Gaulle qui étudiait mon memorandum, un jour facile à retrouver puisque c’est la date où Kennedy a été assassiné. J’étais dans son bureau quand on le lui a appris ; il m’a même dit : je vais y aller ; je vais aller à ses obsèques. Il a ajouté : cela va peut être changer des choses, mais enfin, on verra. L’idée de de Gaulle était que si nous reconnaissions la Chine, les Américains passeraient par notre intermédiaire pour négocier avec eux, et c’est, je crois, ce que Kennedy avait laissé entendre. Mais Johnson n’a pas adopté cette hypothèse. Malgré cela, le Général de Gaulle a décidé de procéder à la reconnaissance de la Chine au mois de février. A ce moment-là, pour préparer l’opinion, j’ai rédigé avec Monsieur Massy une interview que j’ai soumise au Général de Gaulle, qui l’a approuvée et dont il a fixé lui-même la date de publication. Il a ensuite fait un discours à la télévision, où il a d’ailleurs évoqué mon rôle et il a procédé aux opérations nécessaires. Il m’avait demandé, ainsi que Pompidou, si j’aurais été intéressé d’être le premier ambassadeur. J’ai décliné, en pensant que j’avais un rôle plus important à jouer dans la politique. Il n’insista pas et j’avais été en somme son premier ambassadeur puisque j’avais été son envoyé spécial. Par la suite, je pense que nous n’avons pas tiré le maximum de cette opération d’aucun côté parce que l’Amérique, sous la direction de Johnson, s’est montrée peu compréhensive et que, d’autre part, la Chine a été engagée dans la malheureuse affaire de la Révolution culturelle, de sorte qu’elle a pris beaucoup de retard. Retard qu’elle a rattrapé depuis. Quand je suis retourné en Chine en 1980, c’est-à-dire seize ans après, j’ai trouvé la situation pour ainsi dire au point où je l’avais laissée.

COMMUNISME A LA CHINOISE ET A LA SOVIETIQUE

A.L.C. – Avec le recul du temps, voyez-vous la révolution chinoise comme quelque chose de radicalement différent du modèle soviétique ?

Edgar Faure. – Il y a certainement des différences, il y en avait en tout cas beaucoup dans la pensée de Mao parce que, en réalité, Mao n’était pas un vrai marxiste. J’ai développé cette idée et je suis le seul, je crois. Mao était un révolutionnaire absolu, et il faut dire qu’il n’était pas parti du même point que Lénine et, à plus forte raison que les Soviétiques actuels, parce que la Chine, au moment de la naissance de Mao était plongée dans le Moyen-Age. C’était un pays où il y avait encore des brigands et des usuriers. C’était, en somme, la France du boucher Caboche. Alors, il a fait toutes les révolutions en même temps. Son esprit, que j’ai étudié dans ses poèmes, était un esprit révolutionnaire dans le style de la prise de la Bastille mais non pas dans celui de l’organisation communiste de la société. Alors les Chinois ont adopté, en courant, le modèle russe comme étant celui de la révolution la plus récente mais, en réalité, Mao n’y croyait pas tellement. Il a vu tout de suite que cette révolution était une nouvelle bureaucratie et, dans son idée, il fallait toujours lutter contre toute bureaucratie. C’était une sorte d’anarchisme, un mélange de l’idéologie de la Révolution de 1989 – 1993, et en même temps de l’anarchisme du temps d’Edouard Vaillant et de Ravachol, ou des Russes anarchistes comme Netchaiev. On sent qu’il y a moins d’organisation communiste qu’il n’y en a eu dans le régime communiste russe, et d’ailleurs, en ce moment, les Chinois ont pris quelques positions, notamment en ce qui concerne le revenu agricole, le remplacement du « bol de fer » par le « bol de porcelaine », pour reprendre l’image qu’utilisait devant moi Deng Xiaoping, ou encore en ce qui concerne les primes de rendement qui ne sont plus distribuées comme avant, même en l’absence de rendement. D’ailleurs, en France c’est un peu la même chose puisqu’on ne peut plus faire de différence et que les entreprises qui essayent de lutter contre l’absentéisme par des primes d’assiduité sont finalement obligées de les intégrer aux salaires et de les donner même aux gens qui ne sont pas assidus. Dans un certain sens, nous allons vers l’expérience chinoise alors qu’eux vont vers l’expérience française.

Je pense qu’ils seraient moins absolus que les Russes en présence d’une résurgence du libéralisme.

A.L.C. – Dans Le Serpent et la Tortue, vous vous montriez pourtant assez sceptique à l’égard de l’expérience des Cent Fleurs.

Edgar Faure. – Les Cent Fleurs, c’était l’aspect culturel d’un mouvement de libération. Or, en Chine, il passe toujours une sorte de courant alternatif. Ils ne peuvent pas vivre dans le statique. Il y a donc tantôt un courant qui va dans le sens de la libéralisation mais aussitôt il y a des conséquences énormes, et alors on va dans l’autre sens. Arrivé là on voit que ce n’est pas bon et on retourne dans le premier sens. Dans chaque cas on dénonce soit les aventuristes de gauche, soit les contre-aventuristes de droite, et puis les anti-contre­aventuristes de gauche, et cela ne finit pas…

A.L.C. – Une dernière question. Pensez-vous qu’il y ait une politique française envers la Chine et envers l’Extrême-Orient ?

Edgar Faure. – Je pense qu’il doit y en avoir une. On ne peut pas tout dire, mais en tout cas, Monsieur Mitterand est un homme capable de diriger une pareille politique. II est allé en Chine ; je pense qu’il voit ce qu’il peut faite et, d’ailleurs j’observe certains gestes du côté de la Chine.

Première rencontre, en mai 1956, entre le Président Mao Zedong et le Président Edgar Faure.

Edgar et Lucie Faure rencontrent Zhou Enlai en octobre 1963, au cours d’une mission secrète en vue de l’établissement des relations diplomatiques.

« Le Serpent et la Tortue. Les problèmes de la Chine Populaire » Paris, Julliard, 1957.

Quelques extraits significatifs. Introduction (p. 16) : « …En étudiant les problèmes originaux de la Chine communiste, je n’oublierai jamais longtemps le problème symétrique de notre propre attitude vis-à-vis de la Chine communiste et des relations entre le capitalisme et le communisme ; entre l’Ouest et l’Est… Je demeure entièrement favorable à une politique nouvelle, plus ouverte, plus assurée, plus hardie, de la part des puissances occidentales (et particulièrement de la France) à l’égard des pays communistes (et particulièrement de la Chine.) »

Entretien avec M. Tchou en Lai (p. 36) :

« M. Tchou en Lai évoque son séjour de quatre années en France de 1924 à 1927. Il a travaillé comme étudiant et aussi comme ouvrier à Paris et à Rouen. Il comprend d’ailleurs visiblement le français bien que je ne l’ai entendu en prononcer que quelques mots. Pendant notre soirée avec Mao Tse Tung sa science sera plus apparente. C’est chez vous, nous explique-t-il, que je me suis converti au communisme. J’observais, je partageais la condition de mes camarades ouvriers. J’ai conclu qu’il n’était pas possible de transformer les salariés en capitalistes, mais qu’il était possible de transformer les capitalistes en en salariés. Ce propos est dit comme une boutade ; et cependant n’est-ce pas exactement ce qui a été fait ici en sept ans ?/ »

Concernant la question de la reconnaissance (p.37) : « La question… fait partie d’un complexe diplomatique avec la question de l’O.N.U. et la question de Formose… La Chine populaire ne saurait concevoir d’être placée sur le même pied que Formose… Elle n’accepte pas de se trouver en double avec Taipeh dans un réseau diplomatique quelconque, Pékin préfère de beaucoup le statu quo, dont, après tout, elle ne souffre guère. »

Entretien avec Mao Tse Tung (p. 51) A propos des inquiétudes chinoises relatives aux tensions Est – Ouest : « La France, me dit Mao Tse Tung, peut jouer à nouveau un rôle de rapprochement, de médiation. La France a une histoire glorieuse… Elle est plus qualifiée que la Chine pour un tel rôle, il lui revient plus qu’à nous. Encore la modestie chinoise, nuancée de courtoisie et pleine aussi de fierté. C’est parce que la Chine fait des progrès bouleversants qu’elle peut insister sur ses « insuffisances », ses retards, son archaïsme. C’est parce qu’elle a retrouvé l’indépendance et l’unité nationale qu’elle peut sans risque user de discrétion.»

Le paradoxe de la non reconnaissance (p.52) : « Juridiquement et diplomatiquement, pour une partie de l’Occident, Mao Tse Tung et la Chine de Mao Tse Tung n’existent pas ! Est-il pourtant un seul homme d’Etat qui gouverne un pays aussi peuplé ? En est-il un qui gouverne, où que ce soit, avec plus de pouvoir que lui ? En est-il un seul aujourd’hui – en fût-il jamais beaucoup – qui s’identifie pareillement avec une nation et avec un peuple dans le mouvement même de l’Histoire ? Quel avantage avons-nous à méconnaître une aussi évidente, une aussi formidable réalité ? »… « Nous avons voulu, à notre tour, construire un mur autour de la Chine – mais c’est nous qui nous enfermons à l’extérieur. Cette attitude a pu se justifier au début, par le cours des circonstances et par la réaction des sensibilités. Mais maintenant ? Avons-nous perdu le sens du mouvement ? Allons-nous rester immobiles comme la pierre, à côté des ces pierres qui s’éboulent ? En face de la Chine Nouvelle, serons-nous les disciples imprévus de ses Empereurs qui régnèrent il y a deux mille ans ? Opposerons-nous aux hommes de la Longue Marche la stratégie et la diplomatie des Grandes Murailles ? »

Extraits de la conclusion (p. 235 – 236) :

« …Il faut affranchir et développer des relations de tous ordres, économiques et culturelles avec la Chine… Notre attitude de résistance et de refus va à l’encontre de ce que nous souhaitons obtenir. Il faut aider la Chine dans l’immense effort que tente ce peuple pour sortir de l’ornière d’un retard de plusieurs siècles. Il faut l’aider à accomplir sa modernisation, car seule cette modernisation peut la rapprocher de nous, économiquement et politiquement. Il faut l’aider aussi parce que la conscience que prendront les dirigeants chinois et le peuple chinois de nos dispositions à leur égard sera par elle-même un très grand progrès dans cette voie. Les peuples sous-développés, les peules qui viennent récemment d’accéder à l’indépendance, sont des peuples susceptibles. Pour la Chine, le contraste extraordinaire entre sa force écrasante et son profond archaïsme, dans la lumière de sa nouvelle volonté de vivre, crée un complexe de fierté et de modestie, ce mélange d’accablement et de confiance que j’ai observé chez Mao Tse Tung ; et, par conséquent, cette susceptibilité ne peut qu’être portée à l’extrême. »

Edgar Faure et Mao Tse Tung : rencontre d’octobre 1963

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Document réalisé par Alain Caporossi, président de l’Association Franc-Comtoise des Amitiés franco-chinoises (mars 2013.)

L’OPÉRA DE PÉKIN

et les « figurines animées » de
Maître BAI Dacheng

L’OPÉRA DE PÉKIN
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Présentation :
L’Association Franc-Comtoise des Amitiés Franco-Chinoises a organisé, en novembre 1997, une visite de Maître BAI Dacheng spécialiste éminent des « figurines animées de l’Opéra de Pékin ».

A cette occasion, et avec l’aide du Service culturel de l’Ambassade de Chine en France, elle a réalisé en outre une exposition relative à l’Opéra de Pékin, dans le hall d’accueil de l’Hôtel de ville de Besançon.

La présente plaquette, réalisée à cette occasion, comporte deux parties.

La première permettra à nos adhérents, à nos amis, et aux personnes intéressées, de découvrir un artisanat d’art pratiquement méconnu en France, et préservé de l’oubli par un grand Maître reconnu dans son pays ainsi que par les spécialistes étrangers.
La seconde partie se veut une « initiation » à l’Opéra de Pékin ; elle n’en présente donc que les caractéristiques essentielles.

Les figurines animées de Maître Bai Dacheng
ou
« le petit Opéra dans un plateau de bronze ».

Les ressources de l’artisanat d’art chinois sont très variées, très riches, et parfois très originales. Maître BAI Dacheng, de Pékin, maintient la tradition de la fabrication des « figurines de soies » ou figurines animées. Il a même porté cette tradition, déjà ancienne, à des sommets de perfection, tant il a le souci d’une réalisation précise, esthétique et respectueuse du détail juste et élégant. Il est ainsi devenu le dépositaire éminent de cet art traditionnel.

Les figurines animées :

La dernière dynastie chinoise, celle des Qing (1644 – 1911), a considérablement développé l’Opéra de Pékin. A cette époque, les Chinois aimaient tellement cette forme d’Opéra, qu’ils essayaient de s’en divertir par tous les moyens. Ainsi, naquirent les « figurines de soies ». En effet, il s’agit de figurines animées grâce à un procédé aussi simple qu’astucieux : la base de chaque figurine comporte une couronne constituée de soies ou poils de porc. Disposées sur un plateau de bronze (ou sur tout autre support qui transmet les vibrations) qui est légèrement percuté par un bâton en bois, ces figurines s’animent comme par enchantement ! Selon l’inclinaison à droite ou à gauche des soies, la figurine tournoie sur sa droite ou sur sa gauche ; et si les soies sont disposées verticalement, le personnage miniature se déplace vers l’avant. Plusieurs de ces figurines, présentées sur un même plateau, peuvent alors sembler prendre vie en dessinant des évolutions qui évoquent « un petit Opéra dans un plateau de bronze ».

Pour le bon fonctionnement de ces figurines, il importe que leur centre de gravité se situe aussi bas que possible. Elles comportent donc, à leur base, un solide socle d’argile sur lequel sont fixées les soies de porc. Le corps de la figurine doit être assez léger, il est constitué à l’aide de tiges de sorgho enveloppées de tissu de coton. La tête en argile, délicatement réalisée, doit respecter les décors des masques faciaux des personnages d’Opéra représentés. Un fil de fer assez fin permet aux bras qui portent armes et autres objets de s’agiter légèrement de bas en haut. Les habits sont élégamment taillés dans de la soie, ou du satin fixés sur un papier fort pour les rendre rigides. Complétés par des accessoires vestimentaires, ils contribuent à la finition artistique de chaque figurine.

Autrefois, chaque famille, même modeste, possédait quelques figurines et s’essayait à faire vivre telle ou telle scène des opéras les plus populaires : « Voyage vers l’Occident », « le Roman des Trois Royaumes », « le Serpent Blanc »… Au fil des ans, la popularité de ces figurines a diminué et, au milieu du vingtième siècle, la sophistication des jouets, la mécanisation facile des bibelots… avaient contraint ces oeuvres à un oubli presque total.
Toutefois, le Pékinois BAI Dacheng a préservé cette tradition d’artisanat populaire, il l’a même portée à un haut niveau artistique.

Maître Bai Dacheng :

Maître BAI Dacheng est fasciné, depuis presque une quarantaine d’années, par les figurines animées. Dès son plus jeune âge, passionné par l’Opéra de Pékin, BAI Dacheng veut devenir acteur. N’ayant pas réussi à monter une troupe d’Opéra, il devient étudiant dans une école d’aéronautique, ce qui aurait dû l’éloigner pour toujours de l’Opéra de Pékin. Malheureusement pour lui… ou heureusement… en 1959, la maladie l’oblige à interrompre ses études et à quitter son travail. Une longue période de convalescence donne du temps à BAI Dacheng pour réaliser des figurines d’argile, faire de la peinture et de la calligraphie, mais aussi pour s’initier à la confection des figurines animées.

Un de ses voisins, WANG Hanqing, était le seul détenteur de précieux secrets relatifs à la fabrication des figurines animées. En effet, c’est son propre père, WANG Chunpei, qui avait lui-même donné naissance à cet art artisanal !
Lorsqu’il rencontre BAI Dacheng, WANG Hanqing est étonné par son talent. Aussi, WANG accepte-t-il volontiers d’instruire BAI de la science des figurines animées, passant ainsi outre aux règles qui voulaient que les arts traditionnels ne se transmettent qu’à l’intérieur de la famille.

Dès lors, abandonnant définitivement son métier d’ingénieur, BAI Dacheng s’adonne à sa passion. Il est même, depuis 1959, le seul artisan d’art chinois à vivre exclusivement du produit de ses oeuvres. Il a maintenu la tradition, en s’imposant un graphisme rigoureux pour la reproduction des visages, et pour celle des costumes, mais aussi en réalisant personnellement la totalité de la soixantaine des opérations requises pour faire de chaque pièce une véritable oeuvre d’art (à la différence d’ateliers moins ambitieux qui effectuent un travail à la chaîne). De surcroît, BAI Dacheng s’est imposé de parfaire la qualité esthétique des figurines animées. Celles de WANG Chunpei étaient vêtues de papier coloré : manteaux, pantalons, robes… étaient peints à même le papier. Maître BAI Dacheng utilise des soies et des satins pour réaliser les habits ; sa peinture très délicate respecte tous les détails, notamment ceux des masques faciaux ; de plus, il agrémente ses personnages de véritables ornements de plumes, perles, pompons de velours…

C’est non sans émotion que Maître BAI Dacheng parle de « ses petits amis de l’Opéra de Pékin ». De nombreux articles et émissions ont été consacrés à son art si original. Chacune de ses pièces est forcément unique, et de nombreuses expositions présentant plusieurs centaines de ses oeuvres ont déjà été organisées en Chine et à l’étranger, tandis que des milliers d’entre elles décorent les vitrines d’amateurs éclairés de par le monde !
C’est pourtant avec une touchante modestie qu’il explique que de nombreux artistes, que des représentants des corps diplomatiques, et que diverses autorités du monde culturel national et international lui ont rendu visite, en sa coquette demeure traditionnelle de Xicheng, vieux quartier de Pékin.

En effet, Maître BAI Dacheng s’intéresse à tous les arts populaires et, du fait qu’il entretient des relations avec nombre d’Artisans d’Art, de Maîtres et d’Artistes, il a entrepris, depuis fort longtemps, des collections remarquables (papiers découpés de divers styles, sculptures sur bois, estampes traditionnelles, figurines « de farine »…). Le seul problème qu’il rencontre, c’est celui de la place limitée des treize mètres carrés de son séjour ! Ses collections qui comportent des objets d’art de faibles volumes, mais le plus souvent de grande valeur, doivent y tenir place à côté de la petite salle qui constitue son atelier de travail.

Aussi, se réjouit-il très sincèrement quand, sortant de la confidentialité d’une présentation à quelques « hôtes de marque », ses trésors ont l’occasion d’être exposés dans un musée, dans une galerie, ou en tout autre lieu où ils pourront émerveiller de nombreux visiteurs.

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Initiation à l’Opéra de Pékin

L’histoire :

L’art dramatique chinois trouve ses origines dans les cérémonies religieuses de l’antiquité. Ces festivités étaient toujours accompagnées de chants, de mimes et de danses, on y rencontrait aussi bateleurs et jongleurs. Ces artistes se produisaient également dans les palais pour y divertir les rois et les princes.

C’est sous la dynastie des Tang (618-907) que se développe l’art dramatique chinois. En effet, l’empereur Xuanzong fonde en 714, une sorte de conservatoire qu’il installe dans le Liyuan, ou « Jardin des poiriers ». Une troupe de trois cents acteurs jouait pour distraire l’empereur. Cette première organisation théâtrale a marqué la culture chinoise. Aujourd’hui encore, en langage littéraire, le « Jardin des poiriers » est synonyme de théâtre, les acteurs se reconnaissant toujours comme des « disciples du Jardin des poiriers ».

Sous la dynastie des Song (960-1279), le théâtre devient plus populaire, les troupes se multiplient et, dans certaines villes, des salles de spectacle se construisent. Mais c’est dans la rue, sur des tréteaux provisoires que s’élabore peu à peu un art dramatique élaboré. Des événements historiques, des histoires romanesques ou surnaturelles, des récits moralisateurs ou satiriques sont mis en scène. Cette diversité vaut aux pièces de cette époque le nom de zaju, ou « théâtre varié ».
Au treizième siècle, les Mongols envahissent la Chine et fondent la dynastie des Yuan (1280-1368). L’occupation entraînera un vaste développement de formes d’expression populaire surtout satiriques. De nombreux auteurs composent anonymement des pièces par le biais desquelles ils expriment leur opposition aux envahisseurs. Les œuvres sont assez achevées au niveau de la forme. Elles combinent trois éléments : parties chantées, déclamations, et danses sur accompagnements musicaux. On les désigne sous le nom de Yuanqu, ou « théâtre des Yuan ». Les œuvres de cette période sont considérées comme constituant le premier théâtre complet. Le « Pavillon de l’Ouest » est la pièce la plus ancienne qui soit parvenue jusqu’à nous et qui soit encore jouée de nos jours.

Le Kunqu, théâtre de « l’école des Kun », prend naissance vers le milieu de la dynastie des Ming (1368-1644). Il s’inspire de l’école du sud où apparaît un style plus littéraire et plus savant. Suzhou devient alors le centre de l’art dramatique. Les lettrés s’intéressent à ces nouvelles formes et se mettent à écrire des pièces. Ils vont donner au genre un caractère élégant qui sera de plus en vogue non seulement au palais impérial mais également chez les riches marchands, chez les érudits et dans les familles de fonctionnaires. Des représentations théâtrales sont données à l’occasion de toutes cérémonies officielles ou fêtes familiales : naissances, mariages…

Le Kunqu est prédominant durant la majeure partie de la dynastie des Qing (1644-1911), mais il n’éclipsera jamais les théâtres locaux qui maintiennent des traditions populaires vivaces. Dans la province de l’Anhui, un style d’opéra a même une influence telle qu’il attire l’attention de l’empereur Qianlong. Grand amateur d’opéra, il fait venir à la Cour, en 1790, des troupes régionales, à l’occasion de la célébration de son quatre-vingtième anniversaire. Certaines de ces troupes s’établissent à Pékin, autour de celle de l’Anhui. Puis, en 1828, c’est la troupe du Hubei qui s’installe à Pékin et qui s’associe à celle de l’Anhui pour certaines représentations. Un nouveau style théâtral, mélange de ces deux opéras locaux, voit le jour. Il rencontre un très vif succès auprès des habitants de Pékin, on l’appelle Jinqju, ou « Opéra de Pékin ».

Le Jingju diffère du Kunqu dans la mesure où il fait moins appel aux métaphores et aux allusions littéraires. Il traite de thèmes déjà connus du public et utilise une langue plus simple. Les récits sont tirés des romans historiques et populaires ; l’accompagnement musical n’exploite que quelques modes et les mélodies deviennent parfois des chansons populaires, fredonnées au coin des rues. Mais le public adore les jeux de scène qui traduisent des épisodes guerriers à grand renfort d’acrobaties, de culbutes et de simulations de combats à cheval ou à pied, à mains nues ou à l’aide des nombreuses armes de l’époque. Ces scènes extrêmement stylisées et jouées par des spécialistes en arts martiaux enthousiasment le public. Ainsi, ce moyen d’expression suppose que les acteurs soient complets : capables de déclamer, de chanter, d’accomplir maintes prouesses acrobatiques inspirées des arts martiaux et d’alterner mouvements vifs et positions immobiles de grande beauté plastique.
Dans les écoles de théâtre, sept à dix années sont consacrées à la formation de base ; et les acteurs une fois diplômés, doivent poursuivre sans discontinuer un entraînement quotidien qui inclut le chant et la déclamation.

Au cours de la seconde moitié du dix-neuvième siècle la popularité de l’ Opéra de Pékin est à son comble. Entre 1853 et 1890, plus de trois cents pièces sont créées, mais on en ignore le plus souvent le nom de l’auteur. On sait qu’il s’agit le plus souvent d’acteurs qui, quand ils ont à l’esprit un sujet intéressant, recherchent la collaboration d’un lettré amateur de théâtre pour les aider à rédiger le scénario, à écrire les dialogues et à composer les vers des morceaux chantés. Quelques entrées gratuites seront sa rémunération, mais il demandera que son nom ne soit pas cité dans les programmes. En effet, ce nouveau théâtre est considéré par les lettrés de l’époque comme un divertissement vulgaire qui a mauvaise presse dans leur milieu. S’ils collaborent avec les acteurs, c’est par amitié, mais ils veulent s’épargner les railleries de leurs collègues et préfèrent voir leurs oeuvres rester anonymes ! Cela dit, il faut bien comprendre qu’une grande partie du travail de création est du fait des acteurs eux-mêmes. Les meilleurs d’entre eux développent un style, une technique et un jeu de scène particuliers, contribuant ainsi à l’enrichissement de cet opéra. Chacun a sa spécialité et acquiert une telle virtuosité dans tel type de rôles qu’il en deviendra une sorte de modèle pour les acteurs des générations suivantes. Aujourd’hui encore, les hommes de théâtre considèrent certains acteurs de la dynastie des Qing comme leurs maîtres.
A l’époque, le métier d’acteur est réservé au sexe masculin. Selon les préjugés du moment, les gens de théâtre appartiennent à un monde de débauche qui ne saurait convenir aux femmes. Il faut attendre la révolution de 1911 et la chute définitive de l’empire, pour que les femmes aient enfin accès aux planches. Elles ont, au début leur théâtre attitré, et jouent cette fois elles-mêmes… les rôles masculins ! Les premières troupes mixtes n’apparaîtront qu’en 1928.

En 1937, les débuts de la guerre sino-japonaise coupent court au développement de l’Opéra de Pékin. Les Japonais essayent bien de maintenir un art dramatique, mais, sous l’occupation, le public boude les représentations et, par patriotisme, les acteurs abandonnent le métier, refusant de jouer devant l’ennemi ! Du début des années quarante à la fin de la révolution culturelle (1966-1976) l’opéra traditionnel est pratiquement abandonné. En 1978, le ministère de la Culture réhabilite l’Opéra de Pékin qui retrouve l’engouement du public.
Actuellement le genre s’essouffle, même si la télévision élargit sa diffusion mais il s’efforce d’évoluer pour préserver sa popularité. A noter, tout de même, que la qualité d’exécution se maintient, le plus souvent, à un niveau très élevé.

Les divers rôles de l’Opéra de Pékin :

A la différence de l’opéra occidental qui voit les chanteurs se répartir d’abord en fonction de leurs types de

voix, l’opéra de Pékin distingue quatre grands types de rôles en fonction de l’emploi sur scène :
– sheng, principal rôle masculin ;
– dan, rôle féminin ;
– jing, rôle de « visage peint » ;
– chou, rôle de bouffon.

Le sheng se subdivise en laosheng, homme âgé portant toujours une barbe ; xiaosheng, jeune premier ; et wusheng, ou guerrier.
Le laosheng, au visage légèrement fardé et à la barbe noire, blanche ou grise qui descend souvent jusqu’à la ceinture, campe le rôle le plus important ; c’est souvent le héros de la pièce. La difficulté du rôle de xiaosheng réside dans le fait que son chant doit faire ressortir la jeunesse du personnage en alternant voix naturelle et voix de fausset, à l’image de l’adolescent qui mue. Le wusheng est un rôle qui relève autant de l’acrobatie que de l’opéra ; il peut être simple soldat, aventurier, redresseur de torts, ou général au costume enjolivé de quatre drapeaux fixés à la ceinture qui rendent les combats encore plus spectaculaires. Ce rôle est le plus spectaculaire et le plus représentatif de l’Opéra de Pékin. Les prestations acrobatiques consistent en des culbutes, des pirouettes, des sauts périlleux pour mimer des combats à mains nues. Dans les combats à l’épée ou à la lance, le rôle demande aussi des talents de jongleur, les armes valsant entre les mains des combattants. Tous ces mouvements exigent de la part de l’acteur une extrême agilité qui ne pourra être atteinte qu’après des années d’études. On lui demandera en plus de savoir chanter d’une voix naturelle plus haute que celle du rôle d’homme âgé.

Le dan est le rôle féminin qui se divise en cinq catégories principales selon le caractère du personnage. On trouve le qingyi, femme d’âge moyen, sérieuse et vertueuse ; le huadan, femme gaie et coquette ; le guimendan, jeune fille célibataire vivant encore dans sa famille ; le wudan, amazone intrépide ou femme guerrière ; et le laodan, rôle de vieille femme.
Le qingyi appelé aussi zhengdan, ou femme vertueuse, est le principal rôle féminin. il s’agit d’une jolie femme attrayante et sympathique, très souvent compagne du héros. En tant qu’épouse, elle sera un modèle de fidélité, en tant que femme non mariée, elle campera plutôt un rôle d’ingénue. La femme vertueuse se distingue par la grâce de ses mouvements et par ses yeux angéliques qui ne doivent jamais rencontrer de face un regard masculin. Son costume, simple et chatoyant, est caractérisé par des manches amples. Son chant demande une voix très claire dans les aigus.
Le huadan est un rôle de femme coquette, qui comporte plus de mime et de jeu scénique que de chant. Moins respectable que la femme vertueuse, elle se complaît à aguicher les personnages masculins par un jeu de scène caractéristique. Elle va et vient d’un côté à l’autre du plateau, tournoie autour du héros avec des mouvements rapides qui accrochent l’attention. Sa naïveté ou sa légèreté apparaissent dans l’expression de son visage en perpétuel changement. La femme coquette joue sans cesse de la prunelle, lançant des regards furtifs ou attrayants qui dévoilent toute la psychologie du personnage. Son costume est constitué d’une veste étroite boutonnée sur le côté et d’un pantalon. Elle tient souvent un mouchoir qu’elle agite à l’occasion de ses déplacements. Au niveau vocal, le rôle est surtout composé de récitatifs.
Le guimendan est la cadette de deux précédents rôles. Jeune fille encore dans sa famille, elle deviendra plus tard une dame respectable ou une femme légère. Aussi son caractère est-il sensiblement voisin de celui du qingyi ou du huadan, mais en plus modéré et beaucoup moins typé en raison de son très jeune âge.
Le wudan est l’équivalent féminin du wusheng. L’essentiel du rôle consiste en une série de prouesses acrobatiques voisines de celles réalisées par les hommes guerriers, mais adoucies par le charme féminin du personnage. Dans ces rôles, on peut trouver de simples combattantes ou des femmes officiers. Le costume des premières est composé de vêtements courts et fonctionnels, tandis que, pour les secondes, il devient beaucoup plus élaboré, comportant drapeaux à la ceinture et coiffe décorée de plumes de faisan. Lorsque le personnage occupe une place importante dans la pièce, la partie chantée vient compliquer la difficulté de ce rôle.
Le laodan caractérise les vieilles gouvernantes, les épouses âgées, les grands-mères des héros, etc. Le jeu de l’actrice doit faire ressortir l’âge avancé du personnage : mouvements hésitants, dos voûté, démarche lente… Ce rôle utilise une voix naturelle pour le chant.

Le jing est le rôle de « visage peint ». Il peut être un aventurier, un bandit, mais aussi un juge, un général, en définitive tout personnage au caractère rude et énergique. Il brille plus par son courage et son dynamisme que par sa finesse. Violent ou exalté, il exprime ses sentiments par un jeu riche en scènes de combat. Le « visage peint porte une grande barbe et est vêtu de l’armure des officiers ou d’un costume assez majestueux. Sa voix basse et profonde, son costume imposant, et sa face abondamment peinte font de lui le personnage fort des scènes où il apparaît.
Le jing se subdivise en dahualian, grande figure peinte ; erhualian, deuxième figure peinte ; wenwuhualian, figure peinte civil ou guerrier ; tongchuihualian, spécialisé dans le chant ; jiazihualian, spécialisé dans le jeu scénique.

Le chou est un rôle de bouffon. Il se repère facilement dès son entrée sur scène, grâce au disque de peinture blanche qui lui cerne les yeux et le nez. On rencontre deux sortes de bouffons. Il y a le genre idiot, sympathique et pas méchant, qui amuse par ses facéties et sa naïveté. C’est tout de même un personnage honnête et digne : un lettré un peu excentrique, un suzerain sans autorité, etc. L’autre genre est de nature plus mauvaise, parfois méchante. De caractère fourbe, c’est un coquin qui fait rire par sa bêtise. Selon le monde auquel il appartient, le rôle se subdivise en bouffon-civil, wenchou et bouffon-militaire, wuchou. Le premier incarnera un domestique, un geôlier, un marchand ou un lettré ; le second jouera un rôle secondaire de soldat ou d’aide de camp. Avec un costume aux manches trop amples, ses mouvements semblent toujours désordonnés. Il prend des airs ahuris et cligne sans arrêt des yeux. Ce rôle comique demande une voix naturelle avec un timbre propre à faire ressortir sa naïveté. Certaines femmes bouffons ont des rôles d’entremetteuses.

Il existe donc au total un peu plus d’une douzaine de types de rôles. On ne rencontre un éventail complet que dans les pièces importantes de l’Opéra de Pékin. En général, les acteurs appartiennent chacun à une catégorie bien déterminée et jouent toute leur vie le même type de rôle.

 

 

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 Laodan
(femme âgée)
 Laosheng
(homme âgé)

 

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  Qingyi
(femme entre deux âges)
 Huadan
(jeune fille)

 

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Jing
(visage peint)
Xiaosheng
(jeune premier)

 

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 Wenchou
(bouffon guerrier)
Wuchou
(bouffon civil)

Les maquillages :

Dans l’Opéra de Pékin, le maquillage est un art à lui tout seul. Il obéit à des règles précises, spécifiques à chaque catégorie de rôles, permettant au spectateur d’identifier le type du personnage dès son entrée en scène. L’expression du visage est importante, particulièrement celle des yeux. Le maquillage est en général plus spécialement centré sur cette zone, surtout pour les rôles masculins où le bas du visage, y compris la bouche, est souvent masqué par une barbe.
On distingue deux types de maquillages : le maquillage du « visage poudré » appelé également « visage non maquillé », par opposition au « visage peint » dont le grimage peut être extrêmement élaboré et coloré.

Les « visages poudrés » :

C’est le type de maquillage le plus répandu. Il est assez naturel et aussi sobre que peuvent le permettre l’éclat et la richesse des costumes. Pour les rôles de jeune homme ou de jeune femme, on utilise une crème de base de circonstance épaisse et huileuse, de la poudre blanche et du fard rouge appliqué sur les paupières et les pommettes. Les femmes appliquent une seconde couche d’un rouge plus soutenu autour des yeux. Le front, le menton, l’arrête du nez et les côtés du visage sont assez pâles. Les yeux sont cerclés de noir et les sourcils, étendus par un trait noir oblique, rejoignent la naissance des cheveux. Les lèvres sont colorées en rouge vif, le rouge à lèvres est plus clair pour les rôles masculins. Les vieilles femmes, les hommes d’âge moyen ou les vieillards emploient un fond de teint couleur chair, et pas de poudre rouge. un trait rouge entre les sourcils indiquent que le personnage aime la guerre.

Les visages peints :

Lorsque l’on parle aujourd’hui de l’art du maquillage dans l’Opéra chinois, cela s’applique surtout aux visages peints des acteurs jing et chou, et plus particulièrement aux premiers. Ce maquillage est devenu si complexe qu’il aboutit à un véritable modelage du visage de l’acteur, qui disparaît derrière une sorte de masque, raccourci symbolique du personnage.

Dans l’Opéra de Pékin, la gamme étendue des couleurs, combinée avec celle des dessins permet de créer une grande variété des personnages en indiquant avec précision les nuances des caractères. La recherche esthétique n’est évidemment pas absente et l’on se plait à ne jamais peindre deux visages exactement de la même façon. Le décodage s ’avère difficile, excepté lorsqu’il s’agit de héros très fameux.
A chaque couleur correspond une caractéristique de la personnalité du personnage :
– Le rouge indique la loyauté et la mesure. C’est la couleur portée par des héros presque sacrés en Chine.
– Le violet est une sous-catégorie du rouge. Il indique les mêmes qualités, mais à un moindre degré.
– Le blanc est employé pour les personnages rusés, les caractères riches et complexes. Sans autre ajout de couleur, il indique le traître.
– Le noir indique la droiture et l’honnêteté. En combinaison avec d’autres couleurs, il convient au tempérament loyal mais rude.

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– Le bleu est la couleur du courage, de l’arrogance, voire même de la férocité. il est souvent porté par les redresseurs de torts.
– Le jaune révèle l’intelligence et des qualités similaires à celles exprimées par la couleur bleue.
– Le marron indique l’opiniâtreté, voire l’obstination.
– Le vert sert à incarner des esprits plus ou moins malfaisants. En combinaison avec d’autres couleurs, il convient aux tempéraments instables et peu fiables.
– L’or et l’argent sont les couleurs portées par les rôles incarnant les êtres surnaturels.

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Outre la variété des couleurs, les possibilités de composition sont très nombreuses. Souvent, les motifs de base représentent des animaux très stylisés, emblèmes de longévité : chauve-souris, papillons, phalènes… En règle générale, la complexité des motifs et la débauche de couleurs n’ajoutent pas aux mérites du personnage. Simplicité du trait et sobriété des tons sont, au contraire, synonymes de noblesse d’âme et de générosité.
Il existe quelques types de maquillages très répandus, le maquillage unicolore de tout le visage, ou zheng lian ; le maquillage en trois points dit aux trois creux sombres, ou sankuaiwa lian ; le maquillage en croix, ou shizi lian ; le maquillage en quartiers, ou liufen laolian ; le maquillage asymétrique, ou wai lian ; le maquillage tout blanc, ou dabai lian ; le maquillage hiéroglyphique, ou xiangxing lian ; le maquillage bigarré, ou suihualian… pour ne citer que les plus connus.

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Les costumes :

La richesse, la couleur, le raffinement des costumes de l’Opéra de Pékin constituent certainement l’image la plus forte qu’un spectateur occidental gardera de cet art si original. Les costumes sont d’autant plus mis en valeur que l’opéra chinois ne s’embarrasse pas de décors.
Selon certains auteurs, ce chatoiement de couleurs était indispensable, autrefois, pour pallier l’insuffisance de l’éclairage, puis s’est ensuite imposé comme un aspect spécifique de l’esthétique du théâtre chanté. Par ailleurs, les pièces du répertoire traditionnel sont souvent tirées de récits historiques. Or, dans la Chine ancienne, l’habit faisait le moine et les vêtements avaient une fonction de différentiation sociale. Le style, la couleur du vêtement permettaient d’identifier avec précision l’appartenance sociale et le rang à l’intérieur d’un même milieu. Très naturellement, l’opéra a repris cette particularité pour la mise en scène des pièces classiques. Tous les théâtres mettent à la disposition des acteurs une garde-robe très fournie. Seuls les artistes les plus célèbres possèdent parfois leurs propres costumes.

Le port de la robe pour les hommes est presque toujours le trait distinctif d’une condition élevée. Les fonctionnaires civils et lettrés de haut rang portent des robes longues. Les officiers en tenue de cérémonie portent également robe, mais sur le champ de bataille, elle est remplacée par une armure très longue, mais également décorée de riches broderies.
Les gens du peuple portent un ensemble veste-pantalon, à quelques exceptions près (valets et servantes employés à la cour).

Les costumes civils :

Le mang est la robe de cérémonie des hauts dignitaires. Elle est portée par l’empereur, le premier ministre et quelques très hauts dignitaires. C’est un vêtement chasuble ample, long, en satin lourd et brodé, imprimant lenteur et dignité à la démarche. Le col est rond, la robe se ferme sur le côté et se porte avec des manches ondulantes et une ceinture ornée de jade. Selon le rang et la valeur morale, les couleurs sont classées en catégorie supérieure : jaune (pour l’empereur), blanc, rouge, vert et noir ; et en catégorie inférieure : violet, bleu, rose et grenat. Des figures de dragons sont brodées dans le haut du vêtement, tandis que dans le bas, les motifs représentent mers et montagnes. L’impératrice, les princesses et les concubines de l’empereur peuvent porter le mang.
Le guanyi est la robe du fonctionnaire. Il est aussi long, mais plus léger et moins orné que le précédent. C’est le vêtement porté à la cour par les fonctionnaires, mais aussi en province par les grands responsables. En satin, de couleur unie avec parfois un motif brodé sur la poitrine, cette robe se porte avec des manches ondulantes et la ceinture de jade. Selon l’ordre hiérarchique, le costume sera rouge, violet, bleu, noir ou blanc. Les femmes de hauts fonctionnaires le portent également, souvent en rouge.
Le tiezi est la robe d’usage courant. C’est le costume le plus habituel de l’acteur d’opéra, la tenue quotidienne du haut fonctionnaire. Longue, à large encolure, la robe se ferme sur le côté. En soie ou en satin, ce costume peut être sobre ou très brodé et supporte le port de manches ondulantes. Mi-longue, en satin léger, ouverte devant, fendue sur le côté, la version féminine de cette robe est alors portée sur une jupe avec une ceinture.

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Le peiyi est une robe d’intérieur à col ouvert en V, la fermeture se faisant à l’avant. Légèrement brodée, ses couleurs sont variées : jaune, rouge vif, bleu, grenat, blanc, rose, vert. Il existe une variante féminine, en satin plus léger brodé de fleurs.
Portées par les femmes, toutes ces robes sont beaucoup plus courtes. Elles s’apparentent davantage à des tuniques et s’assortissent à des jupes longues, en général sobres, dont seul le pan du devant est brodé.

Les gens ordinaires revêtent des habits plus fonctionnels : la veste et le pantalon. La veste des femmes est très ajustée, l’encolure haute et étroite, la fermeture se fait sur le côté. Les pantalons sont amples et droits. La veste des hommes est plus ample, de couleur plus foncée.

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Les vêtements militaires :

On retrouve, pour ces costumes également, une distinction hiérarchique.
Les simples soldats, les bandits et les aventuriers revêtent une tunique en satin brodé, fermée sur le côté, et un pantalon uni, ample et rentré dans les bottes. Ces vêtements aux couleurs variées, choisies selon les goûts des héros, peuvent s’agrémenter de capes.
Les officiers portent soit l’armure, ou kao, soit la robe-manteau de cérémonie, ou kaichang.
Le kao est le costume de combat le plus sophistiqué, revêtu par des généraux ou de grands chefs militaires. Il est long, rigide, chargé de broderies suggérant le style de l’armure. Une tête de tigre brodée orne souvent la partie centrale du costume. Le kao s’ouvre en deux pans, laissant apparaître le pantalon. Une sorte de cape rigide couvre les épaules, les manches sont serrées au poignet afin de faciliter les mouvements. Quatre drapeaux, parfois plus, sont fixés dans le dos. Les femmes officiers portent aussi l’armure.
Le Kaichang est le costume d’apparat des grands officiers et qu’empruntent les princes ayant à la fois des responsabilités civiles et militaires. Il est rigide, tout en brocart avec deux pans descendant sur le côté. cinq couleurs sont possibles, et par ordre hiérarchique : le jaune, puis le rouge, le vert, le blanc et le noir.

Il existe bien d’autres costumes. Notons simplement, la robe-manteau du lettré pauvre, en soie rapiécée ; la robe de moine découvrant le ventre ; la robe du prêtre taoïste avec les symboles du yin et du yang.
Remarquons également que pour les rôles de bouffon, le costume le plus répandu consiste en une robe de coton ou de satin noir uni.

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Les coiffures :

Les coiffures marquent aussi le rang des personnages qui les portent. Les indices de démarcation ne sont pas toujours évidents et ce ne sont pas les coiffures les plus brillantes qui conviennent aux personnages de haut rang.
Le shamao est le bonnet en crêpe ou en velours noir des hauts fonctionnaires. Il se caractérise par l’adjonction de deux ailerons fixés de chaque côté. Plus les ailerons sont longs et fins, plus le rang est élevé. Pour les bouffons ou les traîtres, les ailerons sont remplacés par des disques.
Le fangjin est la toque carrée, de couleur unie des lettrés. Dans sa partie postérieure, cette coiffure, comme la précédente, ménage un emplacement destiné à contenir le chignon.
Les étudiants portent une sorte de couronne en tissu, brodée et finement décorée. Deux rubans sont fixés à l’arrière de la coiffe des étudiants fonctionnaires, tandis que des glands sont suspendus de chaque côté de celle du futur militaire.
Les serviteurs portent un bonnet de forme hexagonale surmonté d’un pompon.
C’est parmi les guerriers que l’on trouve les coiffures les plus variées et les plus éclatantes. Casques divers et coiffes en éventails sont souvent agrémentés de deux longues plumes de faisans.

Les femmes simples ne portent pas de coiffures, elles relèvent leurs cheveux en chignon. Les autres ont aussi un chignon, mais le front est encadré de boucles, la chevelure parsemée d’épingles – bijoux. L’impératrice, les concubines et les épouses de hauts dignitaires portent « la couronne du Phénix », un diadème richement décoré, entouré de chaque côté par un rideau de perles et de pierres précieuses descendant le long de la poitrine.

L’acteur qui secoue énergiquement sa chevelure exprime l’angoisse ou la colère de celui qui se trouve dans une situation de détresse ou qui est victime d’une injustice.

coiffures

Chaussures et fausses barbes :

Afin de paraître plus imposants et plus élégants, les personnages masculins de haut rang sont chaussés de bottes à semelle épaisse (douze à quinze centimètres), qui rappellent les cothurnes du théâtre grec et qui sont elles aussi un artifice de théâtre. elles sont généralement noires ou assorties à la robe. La semelle est blanche. Seuls les guerriers appelés à exécuter toutes sortes d’acrobaties sur scène, portent des bottes ou des bottines légères.
Les femmes portent des escarpins joliment décorés. Autrefois, le raffinement suprême consistait à attacher une paire d’escarpins en bois à l’extrémité du pied, pour simuler des petits pieds.

Les barbes sont en crin ou en vrais cheveux. Noires pour les personnages de trente quarante ans, poivre et sel pour l’âge mur, blanches pour les vieillards et rouges pour les guerriers farouches ou pour les êtres doués de pouvoirs magiques. fournies, très longues, masquant la bouche et donnant une expression sévère au visage, elles peuvent être portées par tous les rôles masculins de caractère, à l’exception des jeunes hommes et des bouffons.

chaussures

Les conventions scéniques :

Décors et accessoires :

Les dépouillement des décors est l’une des spécificités de l’Opéra de Pékin. Un rideau de fond devant lequel évoluent les acteurs, une table et quelques chaises sont l’essentiel du décor. Selon les scènes, la porte d’une ville dessinée sur une toile bleu foncé, des rochers peints, l’enseigne d’une auberge accrochée au dos d’une chaise, une tenture jaune pour la salle du trône, et l’on aura la série à peu près complète des grands décors.
Les accessoires sont également simples et peu nombreux. si l’on excepte la série des armes, épées, sabres, hallebardes, et massues virevoltant dans les scènes de combat, les accessoires sont réduits au strict minimum. Quelques objets courants permettant de distinguer la salle d’audience de la salle d’auberge : pinceaux, encrier, sceau de commandement enveloppé dans un tissu jaune, éventail, théière et pot à vin. Quelques accessoires servent de support aux scènes de mime comme une cravache, une rame, des drapeaux…
Quatre acteurs traversant la scène en agitant des bannières noires, figurent la bourrasque ou l’orage, tandis que des bannières bleues où sont dessinées des ondes représentent l’eau ou l’inondation.

Les conventions scéniques :

Avec si peu d’accessoires et en l’absence de décors, tout est indiqué par les conventions scéniques régissant la position des objets.
La table et les chaises, éléments de base du décor, ont de multiples fonctions. Une table placée au milieu de la scène avec une chaise face au public, représentent une pièce quelconque. Que l’on dispose une chaise de chaque côté de la table et c’est un salon où l’on attend un visiteur. Quelques chaises recouvertes d’une étoffe font un lit. A l’arrière de la scène, tables et chaises empilées peuvent représenter la montagne qu’un personnage escalade. Conventionnellement, un acteur qui monte sur une chaise puis saute signifie qu’il a surmonté un obstacle. Un acteur essayant de sortir d’un côté puis de l’autre avant de quitter la scène indique qu’il est pris dans un incendie. Si quatre acteurs se disposent en carré après leur entrée sur scène, ce la signifie qu’ils tiennent une réunion publique ou privée…

Dans le théâtre chinois, l’entrée des acteurs s’effectue à la droite du public et la sortie à sa gauche. Les entrées et sorties de personnages importants sont souvent précédées de celles de figurants jouant le rôle de domestiques, de gardes ou de troupes. Le ballet de combat répond à des règles très strictes. Généraux et soldats des deux camps font leur entrée simultanément, les uns par l’entrée, les autres par la sortie. ceux qui doivent l’emporter à l’issue de la bataille se placent sur le côté gauche de la scène et les futurs vaincus à droite. Les vaincus sortent les premiers, laissant les vainqueurs seuls en scène. le combat se présente comme un véritable ballet. Les deux armées décrivent des cercles de chaque côté, puis se retirent pour laisser les deux généraux s’affronter. Selon les conventions établies, ceux-ci doivent croiser leurs armes et se repousser assez longuement jusqu’au dénouement final.

La gestuelle :

Plus complexes encore sont les conventions des gestes stylisés qui expriment toutes les nuances de caractère des personnages et leurs sentiments. Dès son entrée sur scène, l’acteur devra indiquer sommairement, par son attitude et l’expression de son visage, la psychologie du personnage qu’il interprète. Ses gestes éclaireront ensuite et progressivement le spectateur sur les divers aspects de la personnalité du héros. Ces gestes obéissent à des règles spécifiques à chaque rôle, et ils sont en outre associés à des figures de danse : mouvements de manches, positions des doigts, et pas de scènes sont porteurs de significations symboliques.
Dans l’Opéra de Pékin, la danse apparaît sous une forme achevée, intégrant les pratiques de la danse rituelle, guerrière ou d’expression.
Les manches ondoyantes sont devenues une caractéristique du langage scénique. Pour indiquer à l’orchestre qu’il va commencer à chanter, l’acteur soulève la manche par un mouvement circulaire du poignet, puis la fait retomber vers l’arrière. A l’inverse, il indique la fin de son chant en laissant subitement retomber ses deux manches. Lorsque l’acteur ne chante pas, le même mouvement exprime le désarroi. Ces gestes de bras et de manches s’accompagnent de hochements de tête, de déplacements de pieds, et de positions de doigts non moins symboliques.

La finesse du jeu de doigts est une particularité du jeu scénique. Il existe sept figures de base dont la dernière, le « doigt pointé » ne revêt pas moins d’une trentaine de variantes ! Pour les rôles féminins, le pouce formant un cercle avec le majeur, l’index et le petit doigt tendus sur un même plan, constituent la figure la plus courante. Les femmes peuvent se servir de l’éventail fermé pour désigner l’objet de leur courroux.
Le guerrier a souvent le poing fermé avec les pouces redressés ou se faisant face. S’il porte des plumes de faisan à sa coiffure, il peut en jouer pour manifester ses humeurs. Par exemple, balancer la tête en faisant décrire de larges cercles aux plumes signifie la colère. Les jeux de doigts avec la barbe sont également très fréquents : le mécontentement et le refus se manifestent par le rejet violent de la barbe au-dessus des épaules, accompagné d’un vigoureux mouvement de tête.
Les bouffons, eux, peuvent se permettre toutes sortes de fantaisies, comme par exemple se désigner du doigt en pointant l’index vers leur nez. C’est en outrepassant les règles que le bouffon gagne en brio.

Les démarches elles aussi sont empreintes de conventions et de règles. Les jeunes femmes doivent faire des petits pas serrés. Plus le pas est rapide, plus les pas devront être rapides. Les pieds sont parallèles et très rapprochés. Les femmes âgées ont des pas plus espacés et surtout plus lents.
La démarche ordinaire du rôle masculin est peu naturelle. Le pied est levé, posé très en avant, avant d’être rejoint par l’autre pied qui vient se placer à angle droit avec le talon du pied précédent. Pour les rôles de « visages peints », les pas sont fermes, espacés ; le pied est levé haut et se pose en imprimant vigueur et force à la démarche.
Le rythme de cette dernière et la position du corps dépendent du costume porté. Avec la robe d’apparat, la démarche est rigide ; avec les robes d’usage courant, elle devient souple et naturelle…

Le chant et la musique :

Autrefois, en Chine, on disait aller « écouter l’opéra ». Aujourd’hui encore, donnant son avis à propos d’un opéra, un Chinois mentionnera la virtuosité expressive de tel chanteur, ou la richesse de la voix de tel autre.
Le spectateur occidental, profane puisqu’il est allé « voir l’opéra », risque d’être surpris par une musique assourdissante et par des chants qu’il trouvera discordants, tant le style de musique est différent de celui de l’opéra occidental. Ici, en effet, la musique est étroitement liée à la gestuelle.
Les instruments à percussion accompagnent les mouvements des acteurs. chaque déplacement, chaque geste, chaque mimique est souligné par une phrase musicale appropriée, sans laquelle la progression du jeu serait impossible. Dans les parties chantées, accompagnées par les instruments à cordes ou à vent, l’acteur exécute également une série de mouvements ou de figures de danse nécessairement ponctués par les instruments à percussion. C’est donc la marque du rythme qui caractérise la musique de l’Opéra de Pékin et qui décompose, comme au ralenti, une succession de gestes dont chacun est porteur d’une signification propre.

La déclamation :

Dans les récitatifs, l’acteur déclame son texte en jouant sur les intonations de la langue chinoise qui utilise quatre tons différents (montant, soutenu, plat, descendant). Dans l’opéra, l’acteur prolonge ou accentue certains vocables afin de mettre en relief les sentiments et l’humeur du personnage. Ce style est utilisé dans toute déclamation et particulièrement lors des prologues. Au début d’une pièce, d’un acte ou d’une scène, le prologue donne le thème général de ce qui va suivre. Puis, en une sorte de monologue plus long, l’acteur annonce qui il est, d’où il vient, quel poste il occupe… ce qui lui arrive aujourd’hui, ce qu’il a l’intention de faire… enfin, il entame son chant et la pièce commence !

Le chant :

Dans les parties chantées, on rencontre deux types de voix : la voix de fausset et la voix naturelle. La première caractérise les rôles féminins et ceux d’hommes jeunes dont le timbre qui se casse rappelle la voix qui mue ; c’est un des rôles les plus difficiles à chanter. Les autres rôles masculins ainsi que ceux de vieilles dames se chantent avec une voix naturelle. Chacun de ces deux types de voix se subdivise ensuite selon l’emploi sur scène, assurant une variété d’expressions vibrantes, profondes, légères, douces, qui influeront sur le choix de l’accompagnement musical.
Signalisons que la langue employée au théâtre est assez éloignée du parler courant, et que les particularités de la vocalisation en rendent la compréhension plus malaisée encore. Pour pallier cet inconvénient, le texte des chants est projeté sur deux écrans verticaux situés de part et d’autre de la scène. Où qu’il se trouve dans la salle, le spectateur peut ainsi suivre le texte qui défile, tout en regardant jouer les acteurs.

Les styles musicaux :

Sans entrer dans trop de détails, signalons que l’Opéra de Pékin utilise deux styles musicaux :
– Le Erhuang qui s’emploie dans les scènes tragiques, les moments pathétiques et qui accompagne les voix naturelles
– le Xipi, plus haut d’un degré, est utilisé pour les morceaux de bravoure et les scènes enlevées, il accompagne les voix de fausset.

Divers rythmes complètent ces deux styles, citons brièvement les plus courants :
– Le daoban, rythme assez lent, employé quand le personnage vient d’apprendre une mauvaise nouvelle, lorsqu’il se réveille d’un évanouissement, etc.
– Le manban, rythme lent qui accompagne les chants lyriques.
– Le yuanban, rythme modéré (le plus employé) qui permet d’effectuer les transitions, qui accompagne la réflexion des personnages, ses mouvements d’âme et les récits descriptifs.
– Le kuaiban, rythme rapide est employé dans les moments de grande excitation, les scènes exaltées…
– Le sanban, rythme libre, dont l’accompagnement est surtout donné par le violon à deux cordes, chaque phrase étant ponctuée d’un coup de gong.

L’orchestre :

Les instruments à percussion jouent un rôle fondamental dans l’orchestre. Ils marquent la mesure et ponctuent la voix et les gestes des acteurs.
Le danpi gu, ou tambour plat, est fait d’une caisse en bois, percée en son milieu, sur laquelle est tendue une peau de mouton ; le fond du tambour n’est pas fermé. Il est monté sur un trépied et on en joue avec une ou deux baguettes. C’est l’instrument le plus important, celui qui dirige tout l’orchestre. Il marque la mesure et souligne les déclamations et les chants. Sa cadence dépend du caractère du personnage en scène : coups légers et espacés pour une personne à l’âme sereine ; coups secs et rapprochés pour une personne énergique…
Le jiaban, ou cliquettes de bois, ressemblent beaucoup aux castagnettes. Elles sont formées de trois planchettes en bois de jujubier. Deux d’entre elles sont attachées et reliées par une ficelle à la troisième que l’on tient à la main. Par un mouvement tournant et sec du poignet, les deux planchettes attachées viennent taper sur la troisième et produisent le son. Elles sont surtout employées dans les temps forts, mais elles peuvent aussi marquer la mesure.
Le tanggu,ou tambour, est une caisse en bois fermée à chaque extrémité par des peaux de porc très minces. Frappé par une ou deux baguettes, il donne des sons graves et profonds. On l’entend surtout dans les pièces à caractère militaire, pour accompagner l’entrée de guerriers, de généraux…
Le xiaoluo, ou petit gong, est un instrument en cuivre tenu à la main. Il est frappé par un bâton à l’extrémité en forme de spatule. Il produit un son aigu et perçant qui accompagne toujours l’entrée et la sortie d’un personnage important. Utilisé à des intervalles assez longs dans presque tous les mouvements, il est très caractéristique de l’Opéra de Pékin.
Le daluo, ou grand gong, est fixé à un support par une poignée en corde. Il est frappé par un maillet feutré et produit des sons éclatants. Sa vibration peut être étouffée ou interrompue par application de la main sur l’instrument. Il accompagne les mouvements des personnages héroïques, et sert à marquer les sentiments forts : anxiété, tourment, emportement…
Le bo, ou cymbales, de grande ou petite taille, elles sont frappées l’une contre l’autre d’un coup sec mais légèrement glissant. Leurs vibrations accompagnent l’entrée des forts tempéraments et les sentiments violents. Utilisées en alternance avec les gongs, elles rythment la démarche des guerriers : un coup de grand gong suivi de cymbales pour la pose du pied gauche ; un coup de petit gong suivi d’un coup de cymbales pour le pied droit.

Les instruments à cordes sont indispensables à l’accompagnement des chants. Ils soulignent aussi certains gestes.
Le huqin, ou violon à deux cordes, possède une boîte sonore faite d’un tube de bambou, recouvert à une extrémité d’une peau de serpent, et surmonté d’un manche assez long. L’archet en crin de cheval, passe entre les deux cordes et frotte constamment sur de la colophane collée sur le bord de la boîte sonore. Les cordes sont en soie et tendues par un crochet qui fait office de sillet. On en joue assis, le bas de l’instrument posé sur la cuisse. Ce violon donne des sons très puissants et intervient lors de l’ouverture d’une scène, pour l’attaque d’un chant, ainsi que pour les enchaînements entre deux morceaux chantés.
Le yueqin, ou guitare lune, très plate qui tire son nom de sa forme, possède un manche très court et quatre cordes en cuivre. Elle accompagne le violon à deux cordes pour les chants.
Le sanxian est une guitare à trois cordes dont le manche en chêne est démesurément long. Sa boîte sonore de forme oblongue est tendue de peaux de serpents de chaque côté. Les trois cordes sont en fils de soie et donnent des sons qui rappellent ceux du banjo. Elle soutient également le violon dans l’accompagnement des chants.

Les instruments à vent ne jouent qu’un rôle secondaire dans l’Opéra de Pékin. Ils sont des auxiliaires utilisés seulement à titre d’ornement.
Le suona, hautbois chinois, est un instrument à anche, dont les vibrations sont produites par une paille de riz insérée dans l’embouchure. Le corps est en bois, percé de sept trous, et se termine par un pavillon en cuivre. A cause de ses sons nasillards et perçants, il est employé dans les pièces mythologiques ou lors de scènes très solennelles.
Le dizi, ou flûte traversière, est un tube de bambou percé de six trous et recouvert de cire. Comme il n’apparaît que très rarement, c’est le joueur de guitare à trois cordes qui l’utilise également.

Notons enfin que les musiciens n’ont pas de partitions et jouent de mémoire. Il n’y a pas de chef d’orchestre, mais c’est le joueur de tambour plat qui assure la direction. De son côté, l’acteur donne à l’orchestre le signal de l’attaque, par recours à une geste conventionnel, ou en prolongeant et modulant la dernière syllabe d’un mot pour provoquer l’enchaînement.
Cette collaboration étroite entre acteurs et musiciens contribue à la beauté formelle de l’ensemble et permet justement d’établir ce lien entre voix, musique et gestes, qui fait tout le charme de l’Opéra de Pékin.

jiaban

danpi gu                                                                               jiaban

instruments

Bibliographie :

Cette plaquette a été réalisée par Alain Caporossi, à l’aide de documentations fournies par le Service culturel de l’Ambassade de Chine en France, grâce aux ouvrages cités ci-dessous ; mais essentiellement en empruntant à un fascicule rédigé par Christophe Jung et Marie-Chantal Piques pour « les cahiers d’Aujourdh’hui la Chine » édité en mars 1980 par « l’Association des Amitiés Franco-Chinoises » sous le nom de « introduction à l’Opéra de Pékin ».

Autres ouvrages consultés :
– « Masques de l’Opéra de Pékin » de Zhao Menglin et Yan Jiqing. Editions Aurore, Beijing, Chine (1992).
– « Make-up designs in traditional chinese operas » de Shi Shaoshan. Science press, Beijing, ChineWordPress3 (1995).
– « Facial make-up in Beijing opera » de Yan Shaokui. Jiangsu People’s Publishing House, Chine (1995).
– « The stagecraft of Peking opera » de Pan Xiafeng. New world press, Beijing, Chine (1995).

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Dossier réalisé par l’Association Franc-Comtoise des
Amitiés Franco-Chinoises
Novembre 1997
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